René Fuchs, numéro 32 au registre des maquis de Vabre. Étudiant. Adjoint au chef des liaisons du maquis de Renne.
- 1920 : naissance le 2 août à Mazamet.
- 9 mars 1943 : réfractaire au STO, montée au maquis de Vabre.
- Juin 1944 : agent de liaison du Délégué militaire régional Bernard Schlumberger.
- Septembre 1944 : engagé volontaire pour la durée de la guerre, incorporé au 12ème régiment de Dragons.
- Août 1945 : démobilisation.
- 2008 : décès le 15 février à Mazamet.
Médaille de la Résistance.
Homologué FFI, dossier disponible sur demande.
Cité dans le livre « Le Chargeur n’a que vingt balles », pages 18, 19, 42, 46, 71, 86, 116
- Edgar Fuchs : « Au chantier de jeunesse nous avons eu quelques propagandes vichyssoises faites par des messieurs de la Légion des anciens combattants, mais ce n’était pas ces messieurs nous vantant les idées de Laval et du Maréchal qui changeaient nos idées de libérer le pays. Dans ma tête le choix était déjà fait. Mon père s’était sauvé d’Alsace à 15 ans. Né en 1870, le pays était occupé par les prussiens et cette occupation avait ruiné mes parents. Dès que nous avons été démobilisés nous avons cherché quelque chose à faire pour résister. Au chantier de jeunesse existait déjà un esprit de camaraderie entre chefs et jeunes. Les chefs étaient enthousiastes et beaucoup étaient d’anciens scouts ou jeunes séminaristes. Malgré le rationnement de nourriture nous avions du cœur au ventre pour travailler. Pendant que j’étais à Toulouse ce dimanche matin, j’ai demandé à mon frère d’aller jusqu’à Vabre chercher un refuge pour ne pas aller au STO. Il trouva sur le quai de la gare les deux jumeaux Cèbe avec la même idée et grâce au pasteur Robert Cook ils trouvèrent la jasse de la Courrégée. Huit jours plus tard fut organisé par Camille Canonge et le scoutisme castrais une veillée de feu de camp avec “départ routier” à Vabre. Guy de Rouville avait fait partie de l’organisation lui aussi. Devant ce feu de camp il nous a été donné ce message pour réfléchir : “Éclaireurs routiers, les camarades qui partent en Allemagne auront besoin de vous, pour aider à garder un idéal chrétien et scout. Ou bien tu préfères rester et refuser le STO, te sentir traqué et risquer des représailles pour ta famille !” Situation cornélienne. Nous avions 22 ans et passâmes la nuit de veille sur ces deux sujets. Le lendemain matin, inutile de dire que nous n’avions pu dormir. Nous prîmes le départ routier, la fourche de routier scout à la main en prenant le chemin de l’exil sur les pentes du Berlou. Nous avons regardé partir les camarades dans le train qui repartait à Castres et où les copains allaient retrouver leurs familles. »
- Edgar Fuchs : « À Noël 43, nous avons pu faire quelques veillées dans les fermes habillés en éclaireurs. Nous animions la soirée avec quelques sketchs et chants à quatre voix accompagné du violon de René. Une fois ce furent les compagnons routiers de Cannes qui vinrent faire du théâtre. René déguisé en jeune fille avec une jupe de Jacqueline Cook, un turban sur la tête passa pour une cousine du pasteur. Personne ne le reconnut ! »
- René Fuchs : « “Une histoire de cochon.” Le soir après la tombée de la nuit, nous allions une fois par semaine chercher le pain chez le sympathique boulanger du village, Maraval. En rentrant, un soir vers minuit, l’œil et l’oreille aux aguets, nous apercevons de la lumière à la ferme de la Courrégée, chose insolite, car à cette heure-là d’habitude, tout le monde dormait. Y a-t-il eu une alerte ? Nous nous détachons du chemin et en rasant les haies, nous arrivons à la ferme. Nous regardons par la fenêtre et voyons toute la famille à moitié endormie, sauf le chef de famille, l’air soucieux. Nous nous décidons à entrer. Le cochon ne va pas du tout, quelle catastrophe. Nous allons le voir, évidemment la pauvre bête, une belle truie avec dix petits, est à l’agonie, essayant de se mettre sur ses pattes, mais en vain. N’y pouvant rien, nous promettons de revenir le lendemain pour prendre des nouvelles du pauvre animal. Nous remontons donc à la jasse et le matin nous apprenons que la truie est morte que la vache a vêlé d’un veau mort lui aussi. Le paysan est désespéré, cinq gosse à la maison et seulement quelques hectares d’herbes maigres. “L’Ainat” a enterré les bêtes et tous restent anéantis par ce mauvais coup du sort ! Nous remontons dans notre nid d’aigle et chemin faisant nous pensons qu’un cochon vivant c’est le cochon de quelqu’un, mais qu’une fois mort, il pourrait bien nous appartenir ! Et nous voilà ruminant notre idée. Y a-t-il un vétérinaire qui pourrait nous dire le pourquoi de cette mort ? Et puis, et puis le temps passe. Mais trois jours après, nous n’y tenons plus et nous redescendons. “Monsieur, le cochon mort, serait-il enterré profond ? Pourquoi, le voulez-vous ? C’est-à-dire, nous aimerions bien savoir de quoi il est mort. Vous le voulez ? Prenez-le ! Il est à vous, mais moi je n’en veux pas.” Quelle aubaine ! Nous avions des dents aiguisées de jeunes loups, nous voilà déterrant les animaux. Ils étaient profondément enfouis. Le veau apparaît le premier, pas fameux et quelle odeur ! Puis le cochon, une belle bête bien conservée. Nous coupons les quatre jambons que nous attachons sur une perche et abandonnant le reste dans la fosse, nous remontons fiers comme Artaban vers notre refuge. En passant au ruisseau nous lavons notre fardeau, plein de terre, et avant d’arriver à la jasse notre cochon était déjà tout gelé. Qu’il était bon ce cochon ! Quelle fête nous avons fait pendant 15 jours : jusqu’à Wagner le pasteur qui venait dîner tous les jeudis et qui n’avait jamais mangé de tranche de porc aussi savoureuse de sa vie ! Mais quel dégoût lorsqu’il apprit la vérité ! Il l’a encore sur l’estomac ! »
- Edgar Fuchs : « Une autre histoire. Un jour, ce fut un américain parachuté qui s’était un peu abîmé et écorché en atterrissant dans les branches d’un arbre, son blouson tâché de sang et la figure lacée. C’était un costaud très grand. René, 55 kg, l’a pris en charge à Vabre, a pris aussi son sac sur le dos et l’a amené à Renne. Arrivé là-haut l’américain commando rompu et entraîné disait : “Ce petit m’a fourbu en montant si vite et en plus il portait mon sac !” »
Sources : Amicale des maquis de Vabre, Service historique de la Défense, Insee, Ordre de la Libération.