Bernard Schlumberger (1911-1945)

Bernard Schlumberger, alias Droite / Brice, non inscrit au registre des maquis de Vabre. Délégué militaire régional de la région R4.

  • 1911 : naissance à Obernay (Bas-Rhin) le 12 novembre.
  • Études à Sciences Po, Paris.
  • 1934 : service militaire dans les zouaves à Bizerte ( Tunisie). Travaille à la banque Schlumberger à Paris.
  • 1938 : mariage avec Alice Doefner de nationalité suisse. Ils n’auront pas d’enfants.
  • 1939-1940 : campagne contre l’Allemagne comme lieutenant de chars (Légion d’Honneur).
  • 1940 : conduit sa femme en Suisse dans sa famille, rentre en France.
  • Janvier 1943 : rejoint de Gaulle à Londres par l’Espagne après huit mois de prison en Espagne. Entre au Bureau central de renseignement et d’action (BCRA), se porte volontaire pour des missions en France.
  • Septembre 1943 : est parachuté en France.
  • Mars 1944 : devient DMR de la région 4 (Droite), succédant au lorrain Leistenschneider (Carré) qui part en région 1 (Lyon).
  • Juin 1944 : avec ses radios et saboteurs, gagne son poste de commandement “de baroud” à Bourrion, au-dessus de Vabre. Organisation des parachutages sur le terrain “Virgule”.
  • Août 1944 : repart sur Toulouse, organisation des FFI en régiments de l’Armée de Libération puis retour à Londres.
  • Hiver 1944-1945 : parachuté à Bastogne (Belgique) pendant la campagne d’hiver.
  • 1945 : mort le 10 décembre à Obernai des suites d’un cancer des poumons.

Médaille de la Résistance.

Cité dans le livre “Le Chargeur n’a que vingt balles”, pages 51, 60, 206.

  • Odile de Rouville : “Un jour, Guy me demande de quitter le salon parce qu’il va recevoir une grosse huile inconnue qui doit arriver par la porte-fenêtre du jardin. Je passe dans la pièce à côté. Rapidement, il y a un brouhaha… J’entends Guy qui s’exclame et m’appelle : la grosse huile est mon cousin (alsacien, encore) Bernard Schlumberger, Bernard recommande le silence absolu, il s’appelle Brice c’est tout. Je n’ai pas besoin de recommandations. Je connais les drames de notre famille en Alsace annexée. Ce n’est que le jour J que je saurai que Brice, qui s’appelle aussi Droite, est un DMR et qu’il est une sorte d’ambassadeur de la France Libre. Mais sur la carte d’identité qu’il me montre il est marchand de légumes secs.”
  • Odile de Rouville : “Le cousin inattendu avait été Bernard Schlumberger, notre DMR. Nous ne parlions avec lui que boulot, parachutages ou autre, rien sur la famille, plaie ouverte toujours saignante pour ceux des provinces de l’est. Mon père avait quitté l’Alsace à 15 ans, le sien était resté, j’étais donc née française et lui allemand. Même son identité “commandant Brice” était lourde de sous-entendus familiaux. Ne pas en parler, ne pas s’attendrir. La préfecture du maquis est en guerre. Bernard mourra en Alsace en 1945, d’un cancer du poumon, après avoir été parachuté dans les polders de Hollande. Il mourra chez sa grand-mère, sans parler de rien, dans une famille encore et toujours écartelée. Ce que nous savons sur lui, c’est par son ami le DMR Carré, un lorrain celui-là.”

Sources : Amicale des maquis de Vabre, Ordre de la Libération.

[…] very intelligent and helpfull. Speaks excellent english.

Note du Major Davies dans son carnet de bord

[…] He was responsible for organising sabotage attaks on railways and telephones. […] He fought with great gallantry with the forces of the F.F.I. […] He rendered distinguished services to the Allied Cause. […]

Extraits de sa citation “In the Order of the British Empire”

[…] Au début du printemps 1944, il est entré chez nous par la fenêtre. Mon mari, Guy de Rouville, Pol Roux au maquis, m’avait dit : “Laisse moi seul. J’attends quelqu’un de très important. Il arrivera par le jardin”.
En ces temps là on ne posait pas de questions. Nous étions maquisards dans notre propre village comme dans une forteresse. Je suis sortie. De la pièce à côté, j’ai entrevu des ombres traversant le jardin. Puis il y a eu un brouhaha inattendu. Soudain, ma porte s’est ouverte : “Bonjour, ma cousine”. C’était Bernard Schlumberger, mon cousin, nos grands-pères étaient frères. Je ne l’avais pas revu depuis mon mariage en 1939. Quelle surprise !
Un D.M.R. qui vient rencontrer un chef de maquis, c’est anonyme. Les agents du B.C.R.A. à Toulouse avait tout prévu sauf des retrouvailles familiales. Le danger était évident. Bernard m’a dit : “Tu ne dis rien !” J’ai répondu : “Bien sûr !”
J’ignorais le fonctionnement des services secrets de la Résistance. Mais je savais les drames de ma famille alsacienne : en trois générations, trois guerres, trois changements de patrie avec parfois des options différentes, voulues ou subies. Maintenant, avec Hitler et sa Gestapo, c’était pire que tout. […]
En plus de son titre de D.M.R., mon cousin parachuté a plusieurs identités, ce qui est parfois compliqué : son nom de code est Droite, son nom de guerre est Brice. Et puis il a une carte commerciale d’acheteur de légumes secs. Il me la montre. Les légumes secs, c’est un bon passeport en ces temps de pénurie.
Bernard a été installé avec ses radios dans le P.C. prévu au dessus de Vabre (“a charming villa” dixit le major anglais qui y aussi logé). Il descend parfois pour prendre une tasse de thé avec nous. Ma belle-mère Louise fournit la théière, Bernard fournit le thé : les anglais en mettent une boîte dans le paquetage des parachutés. Ils sont fous, ces anglais ! Nous n’avons pas bu de thé depuis quatre ans.
Quand il doit remonter à pied jusqu’à son P.C – 20 mn de marche, et ça grimpe – il s’essouffle, il fume trop. Il s’excuse : “Si seulement j’avais une jeep”. Je ne sais pas ce que c’est qu’une jeep et j’imagine une moto à 3 roues. […]
Bernard quant à lui, était reparti pour Toulouse et plus loin encore. Je ne l’ai jamais revu.
L’histoire des services clandestins de la Résistance ont si longtemps été classés secret-défense, qu’il a fallu cinquante ans et l’amitié de son copain Carré pour que je sache quelque chose de plus sur Bernard et sur tous ces héros de la nuit qui se nomment eux-mêmes “gens de la lune”.

Extraits d’un récit d’Odile de Rouville