24 août 1944 : attaque aux Verreries de Moussans

Le 24 août 1944, attaque d’une colonne ennemie par la première section de la 1ère compagnie des Maquis de Vabre. Ce sera le dernier combat dans le Tarn.

Extrait du rapport du Lieutenant Guy Alquier-Bouffard, alias Gaby
                          Verreries de Moussans
                                    ---
    Partis de Castres, nous arrivons à Labastide Rouairoux en pleine
nuit (le 23 si je ne me trompe).
    Accueil chaleureux mais fébrile en raison de l'annonce (réelle ou
supposée) d'Allemands venant de la direction des V.M. qui seraient
occupées.
    Vers 2 heures du matin, je reçois l'ordre de m'y rendre avec mon
peloton.
    Nous partons à pied avec les précautions nécessaires soit à une
rencontre inopinée soit à une embuscade.
    Au petit jour nous sommes sur place. Pas d'allemands. Plus aucun
habitants.
    Je mets en place un dispositif me permettant de contrôler en
première urgence les routes venant du Sud Ouest et du Sud Est c'est à
dire le passage sur 2e pont.
    La journée se passe sans incident. Je constate que l'inaction est
mauvaise pour les hommes qui ont tendance à vouloir visiter les maisons
vides.
    Le lendemain matin vers 11 heures un détachement allemand se
présente sur le pont.
    Nous le laissons s'engager puis ouvrons le feu. Ils ripostent mais
surpris et ne voyant rien ils se rendent.
    Il y a une charrette avec un blessé, 7 ou 8 prisonniers, un mort.
    Ce dernier professeur d'histoire, marié, 2 enfants est enterré
immédiatement. Comme adieu, les allemands me demandent l'autorisation de
chanter "Ich habe ein Kamarad". Vers 12h30 tout est terminé. 
Dessin d’après photo, A. Thuret, 2002

Nous sommes repartis en embuscade, quelque part vers la Montagne Noire. On a laissé le gazogène et je me rappelle une longue montée dans un vallon où roulaient les pommes mûres.
 
Les habitants, en colonne, évacuaient leurs hameaux et nous montions. Je ne pensais pas à la mort. Je fredonnais l’une des chansons favorites des Équipes volantes : « Dans les prés inondés de lumière, nous marchons tous vers des temps nouveaux ». On y croyait.
 
Parvenus au village, nous avons pillé sans remords des bagages allemands. Je me souviens même avoir avalé d’un coup une livre de beurre.


On avait faim, on attendait les Allemands.
 
Deux jours plus tard, alors que je montais le petit déjeuner au poste supérieur de l’embuscade, j’entendis autour de moi de bizarres sifflements.
 
N’ayant pas encore été au feu, il me fallut un moment pour comprendre : on me tirait dessus. Je m’aplatis. C’était une section allemande en retraite qui se rendit sans beaucoup de difficultés. J’en profitai pour échanger mes escarpins vernis, pris à la brigade mondaine de Toulouse, contre des brodequins allemands.
 
Nos prisonniers se mirent au garde-à-vous et chantèrent « Ich hatt’ einen Kameraden » pour honorer leurs morts. Si je ne fus pas enterré à côté d’eux, c’est parce que le tireur visait mal. Il y aurait eu une plaque à ma mémoire, quelque chose comme : « Mort glorieusement en allant porter le café au lait à ses camarades ».
 
La guerre n’est pas toujours héroïque.

Jean-Marie Domenach