Odile de Rouville, née Schlumberger, résistante non inscrite au registre des Maquis de Vabre. Mariée, six enfants.
- 1917 : naissance le 28 octobre à Crans (Suisse).
- 1939 : mariage avec Guy de Rouville.
- 1940 : arrivée à Vabre.
- Janvier 1943 : affiliation des Maquis de Vabre aux Mouvements unis de la Résistance (MUR) sous la direction de Guy de Rouville, son époux.
- 19 octobre 1943 : montée au maquis. « Transport d’armes et de matériel, organisation de l’intendance, soins aux blessés cachés chez elle. »
- Mai 1944 : réception de son cousin Brice Schlumberger, Délégué militaire régional R4.
- Août 1944 : héberge le soldat américain Roberto Esquenazi-Mayo, blessé lors de son parachutage.
- 23 août 1944 : démobilisation.
- Septembre 1944 : donne l’école du dimanche au temple de Vabre.
- 4 octobre 1944 : mort de son frère Georges au combat, dans les Vosges.
- Noël 1944 : édite De la Chouette au Merle Blanc, premier livre dédié à la Résistance locale.
- Janvier 1945 : mort de son frère Xavier Schlumberger dans le camp nazi de Buchenwald.
- 1945 : participe à la création et à l’animation de l’Amicale des Maquis de Vabre, jusqu’à sa mort.
- 1946 : adhésion au mouvement Jeunes Femmes et animation locale, jusqu’aux années 1970.
- 2017 : décès le 28 janvier à Vabre.
Homologuée FFI, dossier disponible.
Médaillée de la Résistance.
Citée dans le livre Le Chargeur n’a que vingt balles, pages 9, 10, 12, 51, 60, 71, 73, 100, 117, 139, 155, 165, 206, 209.
- Odile de Rouville : « Le village français qui ouvre ainsi ses portes à l’allié venu du ciel, c’est Vabre, un bourg montagnard à la pointe Est du Tarn. Il est au centre d’un relief en creux, donjon en profondeur d’une citadelle qui entoure l’étroite saignée des rivières dans le haut pays de Castres. Terre de granit et de sources, de bourgs indépendants et de hameaux cachés, ses prés et ses labours sont battus de vents contraires qui obligent au combat du corps et de l’esprit. Depuis la nuit des temps, la géographie aussi bien que l’histoire y ont créé des liens, aménagé des refuges et forgé pour l’action des citoyens responsables. La Résistance et le Maquis y sont dans leur terroir naturel, la Liberté aussi. »
- Odile de Rouville : « Entre 1940 et 1942, au temps où Vichy se croyait libre en zone libre, Vabre paraissait un petit chef-lieu de canton sans histoire. Le maire était un respectable notaire, les industriels de bons bourgeois du textile. La population ouvrière était pieuse et travailleuse, la population des hameaux avait des traditions. Le pasteur faisait faire du sport à ses jeunes, le curé avait la confiance de l’archevêque d’Albi qui était dévoué au Maréchal. Tout au plus pouvait-on s’étonner de ne pas avoir trouvé sur place de volontaires pour monter une section de “Légion des Combattants”. »
- Odile de Rouville : « C’était, je crois, pendant la nuit du 5 au 6 août, mais nous n’avions plus le temps de dormir, nous étions sur le qui-vive jour et nuit. J’étais remontée de Vabre à Bousquet chez Bonne-Maman Amélie pour m’occuper du lieutenant Pierre Hoepffner qui avait été blessé à Cambous le jour même. Dans l’après-midi nous avions hurlé de joie parce que les “messages personnels” avaient annoncé : “15 amis vous diront ce soir que le chargeur n’a que vingt balles.” Qu’est ce que cela voulait dire ? Au milieu de la nuit, on entend les avions, puis plus rien. Tout à coup, une auto arrive, brouhaha, je me précipite, la porte s’ouvre, Guy entre avec deux ou trois maquisards portant un blessé, un jeune homme brun en uniforme. Miracle, il y a une bannière étoilée sur son épaule, c’est un américain ! Lucie Bosc, la gouvernante-cuisinière de Bonne-Maman Amélie, une résistante à 100%, descend l’escalier en bougonnant : “On va nous transformer la maison en hôpital.” Et puis, elle a vu que c’était un américain. Pour elle comme pour moi, c’était la liberté éclairant le monde qui entrait chez nous. Robert est resté dans une chambre du grenier, surveillé par Jérémie le jardinier, jusqu’à la Libération de Castres. On a caché son uniforme, en cas de danger il prétendait facilement être un ouvrier espagnol car il était cubain. Je montais tous les jours lui donner des nouvelles de la guerre, il était très patient, ne se plaignait jamais, disant : “I just think.” Son capitaine est venu le voir quand deux de ses camarades ont été tués à l’embuscade du Vintrou. C’était des garçons formidables, tous volontaires. Les deux morts, en uniforme, ont terrifié les Allemands qui les avaient tués, c’était avant même le débarquement du 15 août dans le midi et les Alliés, en Normandie, étaient à 800 km de nous. Quand j’ai entendu, à la radio, les premières fusillades retransmises de la bataille dans Paris, j’ai couru lui dire : “The FFIs have liberated Paris.” C’était un peu prématuré mais il s’est écrié : “It’s the French revolution all over again.” C’est la Révolution française qui recommence. »
- Odile de Rouville : « “Journal de marche” c’est beaucoup dire, je faisais plutôt du surplace, plantée derrière la porte de notre maison qui, pas plus qu’avant le 6 juin 1944 qu’après cette date clef du débarquement de Normandie, n’arborait de signe distinctif de préfecture du maquis. C’était seulement une maison bourgeoise accrochée aux pentes escarpées d’un bourg provincial : “The house of a well-to-do country” dixit notre anglais parachuté sur Virgule. “Nicht communist, nicht terrorist” selon l’officier allemand qui n’a pas jugé nécessaire de la brûler. Somme toute, j’étais une portière-sentinelle, chargée de trier les bons et les mauvais qui, de jour comme de nuit, risquaient de sonner à la porte réclamant sans distinction soit Guy de Rouville soit Pol Roux. » Extrait du Journal de marche de la femme du préfet.
Sources : Amicale des Maquis de Vabre, Service historique de la Défense, Au bataillon de choc avec Georges Schlumberger, La Dépêche.

Précédente version de cette page :
Femme du « Préfet du Maquis » et maquisarde à domicile
« Journal de marche » c’est beaucoup dire, je faisais plutôt du surplace, plantée derrière la porte de notre maison qui, pas plus qu’avant le 6 juin 1944 qu’après cette date clef du débarquement en Normandie n’arborait de signe distinctif de « Préfecture du maquis ». C’était seulement une maison bourgeoise accrochée aux pentes escarpées d’un bourg provincial : « The house of a well-to-do country gentleman » dixit notre anglais parachuté sur Virgule; « nicht communist, nicht terrorist » selon l’officier allemand qui n’a pas jugé nécessaire de la brûler. Somme toute, j’étais une portière-sentinelle, chargée de trier les « bons » et les « mauvais » qui, de jour comme de nuit, risquaient de sonner à la porte, réclamant sans distinction soit Guy de Rouville, soit Pol Roux. Tâche que je partageais avec ma belle-mère Louise qui assumait surtout l’intendance des repas dans une maison continuellement bourrée de suspects de passage. […]
Journal de marche de la femme du Préfet [du Maquis]
Surtout à partir du 6 juin, il ne fallait compter ni sur le « Préfet du maquis », ni sur son père. Les ordres de Londres étaient formels : en cas d’alerte, tous les maquisards et suspects devaient « riper » dans la montagne tant que notre armement ne serait pas suffisant pour répliquer efficacement. Nous, les femmes, nous nous retrouvions en première ligne avec quelques hommes âgés et les enfants.



Odile de Rouville est l’auteur, début 1945, d’un recueil sur les Maquis de Vabre, disponible en version numérique sur ce site, depuis cette page.
Depuis, elle a grandement contribué au tri, classement, repérage, … des archives de l’Amicale des Maquis de Vabre, qui aboutirent notamment au livre publié par l’Amicale en 1995 et 1999. En ce début du 21ème siècle, âgée de plus de 80 ans, elle a poursuivi inlassablement son travail d’archiviste « improvisée », de traductrice et de témoin/rédactrice, pour l’élaboration du présent site Web.
En 2007, avec l’aide technique d’un petit-fils, elle a ouvert un blog personnel : Le petit monde d’Odile de Rouville.
Anecdote
Au sortir de la guerre, très marquée par les restrictions alimentaires, Odile constitua (en plus des bougies) un stock de 100 kilos de sucre en morceaux, qu’elle stocka dans son grenier à Vabre, jusqu’à les y oublier. C’est en 1974, lors de la crise spéculative qui priva presque la France de sucre, qu’elle s’en souvint, envoyant un petit-fils en exploration dans le grenier. La malle était toujours là et le sucre, bien emballé, intact.

Les confitures de l’été 1974 furent donc élaborées sans aucunes restrictions…