Émile Lacroix, alias Tonton, numéro 302 au registre du maquis de Vabre. Marié, père de deux enfants. Chauffeur de la deuxième section de la première compagnie.
- 1898 : naissance le 10 avril à Carmaux.
- 1914-1918 : prisonnier de guerre.
- 5 mai 1944 : montée au maquis de Vabre.
- Septembre 1944 : libéré de ses fonctions.
Homologué FFI, dossier disponible sur demande.
Cité dans le livre « Le Chargeur n’a que vingt balles », page 135, 136.
- Théo Borhman : « Le dimanche 13 août 1944, la région semblait calme. Une importante colonne blindée ennemie avait passé trois jours auparavant, en retraite vers le nord. Le commandant FFI craignant peut-être des fuites avait décidé de faire évacuer certaines installations du dépôt de Vabre sur Ferrières et on m’adjoignit à Lacroix pour l’aider dans sa tâche. Vers la fin de la matinée, notre chargement était effectué et Lacroix faisait demi-tour dans le petit chemin du dépôt. Brusquement, nous vîmes déboucher sur la route de Vabre des automitrailleuses. Une rafale balaya l’espace, Vittoz et deux de ses camarades qui descendaient en ville à pied se mirent à courir. Une balle vint se loger dans le dossier de notre siège de banquette, juste entre nous. Lacroix portait une veste de cuir, telles qu’elles étaient d’usage dans les chars en 1940 et il eut la présence d’esprit de la quitter avant de sauter de la camionnette. J’en fis autant en laissant mon blouson. Tout cela n’a duré que quelques secondes. Nous nous réfugiâmes dans le sous-sol du dépôt qui renfermait un atelier de menuiserie. Les Allemands, eux, continuaient de tirer. Heureusement, ils employaient des obus antichars qui traversaient la brique sans trop de dommages pour le bâtiment. Enfin la position devint tout de même très inconfortable. Quelqu’un du dépôt n’hésita pas à sauter sur un matelas jeté auparavant dans le jardin à plusieurs mètres en dessous et à s’enfuir vers la rivière. Lacroix pensait qu’un tel exploit n’était plus de son âge et comme nous avions l’air très civil le mieux était de sortir de notre cave afin que les allemands ne vinssent pas y jeter un regard indiscret ou y mettre le feu au moyen de leur artillerie. Lacroix me dit : “Tu verras, c’est pas terrible, j’ai l’habitude… J’étais prisonnier en 14-18.” Je cachai encore rapidement tout ce que j’avais de compromettant dans mes poches dans la sciure. Nous levâmes sagement les bras et sortîmes. Les Allemands cessèrent le tir et vinrent à nous leurs parabellums à la main. Je parlais leur langue et cela facilitera l’entretien. “Que faites vous ici ?” “Nous étions dans le jardin.” “Pourquoi parlez-vous allemand ?” “Je suis de Strasbourg.” “Ach, ein Volksdeutscher !” “D’où viennent ces parachutes et qui conduisait cette voiture ?” “Nous étions en contrebas et nous n’avons rien vu.” L’interrogatoire devint moins brutal mais il semblait durer au goût de Lacroix. Aussi n’hésita-t-il pas à baisser les bras et à se rouler très tranquillement une cigarette. Quel sang-froid ! On nous demanda encore ce qu’il y avait dans la maison, nous répondîmes : “Elle est fermée, les habitants sont absents.” Je crois que nos interlocuteurs, les équipages de trois automitrailleuses se sentaient un peu isolés dans la région, ils n’étaient guère rassurés et voulaient en finir. Ils n’eurent donc, heureusement, pas la curiosité de vérifier nos dires. Ils nous indiquèrent que “Fabre” était occupé par la Wehrmacht et que nous devions nous y présenter à la Kommandantur pour raconter notre petite histoire, faute de quoi nous serions fusillés. Nous répondîmes qu’il serait fait selon leur volonté. Ils allumèrent un peu mieux la camionnette qui brûlait pourtant déjà et remontèrent dans leurs engins. Nous nous en fûmes avec un petit frisson dans le dos car nous avions l’impression de nous en tirer trop facilement, sans une rafale d’adieu. arrivés à Vabre, nous trouvâmes tout le monde en émoi. Mais nous étions tellement abasourdis que sans penser à la peur, nous remontâmes aussitôt avec quelques autres, traînant une pompe à incendie pour éteindre le feu qui se propageait de la voiture à la maison. Nous apprîmes alors que Vittoz et Raufast étaient morts et que Soucasse gravement blessé avait pu se cacher dans les buissons au-dessus de la route. Quant à Rémy et ceux qui étaient enfermés dans le dépôt, ils avaient eu autant de chance que nous. »
Sources : Amicale des maquis de Vabre, Service historique de la Défense.