Léon Neugewurtz (1923-2014)

Léon Neugewurtz, alias Nisand / Descamps, numéro 176 au registre du maquis de Vabre. Étudiant. Membre de la première section de la deuxième compagnie.

  • 1923 : naissance le 28 septembre à Strasbourg (Bas-Rhin).
  • 1940 : élève au lycée Fustel-de-Coulanges à Strasbourg, fuit pour Toulouse (Haute-Garonne).
  • Été 1942 : participe à la cache d’enfants juifs avec les Éclaireurs israélites de France.
  • Octobre 1942 : engagé en Résistance sous les ordres d’un officier de réseau de renseignements.
  • Janvier 1943 : aumônier de l’Organisation juive de combat, actif dans les camps d’internement et les prisons de Vichy (Gurs, Récébédou, Noé, Vernet, Brens, Masseube, Saint-Michel), établissement de faux papiers. « Sauvetage de 300 travailleurs étrangers qui devaient être déportés. »
  • Décembre 1943 : organisation de cinq évasions successives de patriotes internés à Noé.
  • 6 juin 1944 : montée au maquis de Vabre.
  • Septembre 1944 : incorporé au 12ème régiment de Dragons.
  • Novembre 1944 : démobilisation.
  • Février 1945 : officier interprète, membre de la Commission des crimes de guerre.
  • 1950 : doctorat en médecine.
  • 1950-1954 : mission humanitaire en Israël.
  • 1955-1965 : directeur de laboratoires d’analyses médicales à Colmar et Mulhouse.
  • 1959 : adopte son nom résistant, Léon Nisand.
  • 1986 : départ à la retraite.
  • 2003 : parution de son livre autobiographique « De l’étoile jaune à la Résistance armée ».
  • 2014 : décès le 6 juin à Schiltigheim (Bas-Rhin).

Médaille de la Résistance. Légion d’honneur. Croix de guerre avec étoile de bronze. Médaille de la Reconnaissance française. Croix du Combattant volontaire de la Résistance.

Homologué FFI, dossier disponible sur demande.

Cité dans le livre « Le Chargeur n’a que vingt balles », pages 57, 150.

  • Léon Neugewurtz : « Quand on raconte, les gens disent “oui” avec beaucoup de politesse mais ils ne peuvent pas croire. et il y a si peu de témoins de ce qui a été vécu dans les camps d’internement des juifs du sud de la France, le Récébédou, le Vernet, Brens, Gurs, Noé… La guerre m’a pris réfugié à Toulouse, après la débâcle. J’avais 16 ans et demi, j’étais scout routier aux EIF. Ma famille était très religieuse, mystique même, à l’origine des hassidim de Pologne. Le 11 novembre 1942, quand les allemands ont envahi la zone sud, notre petit monde de réfugiés a basculé. Très vite, il y a eu rafle des juifs étrangers. Ils étaient fichés. Nous, les français, nous avions le mot juif tamponné sur notre carte d’identité. Les premiers jours des rafles, elles étaient faites par des français sous les ordres des allemands. Il n’y a pas eu de mot d’ordre d’arrêter les enfants : dans chaque famille on arrêtait monsieur et madame et on laissait les enfants sur place. Immédiatement notre groupe a récupéré ces enfants, ça a été le plein de l’action, deux ou trois jours plus tard la police revenait pour réparer son oubli, mais les enfants étaient tous cachés. On les a mis chez des voisins, mais surtout dans des maisons religieuses dépendant de l’archevêché de Toulouse. L’archevêque, Mgr Saliège, était un homme extraordinaire. Il est devenu mon ami, un ami de cœur malgré la différence d’âge, et quand je suis devenu aumônier auxiliaire, il m’a traité comme un représentant officiel du judaïsme. C’est l’aumônier général Ischler qui m’a présenté à lui. Je n’étais pas rabbin du tout, mais quand l’aumônier local a été pris par la Gestapo on n’a trouvé que moi pour le remplacer. J’avais 19 ans, j’étais à la fois membre de l’armée juive et de l’armée secrète. Je suis devenu aumônier des camps de la région, très officiellement : les allemands voulaient être corrects. La préfecture demandait une autorisation à la Wehrmacht pour apporter dans les camps “les secours de la religion”. La Kommandantur disait oui et envoyait un double à la Gestapo qui venait vous arrêter. On filait en vitesse… pour venir chercher l’autorisation quelques jours plus tard. Je suis resté aumônier 18 mois. Mon rôle était multiple, et seulement secondairement liturgique. Les gens mouraient de faim. L’archevêque a pu me donner de la nourriture sous des prétextes religieux. Il avait de l’orge perlée et des quantités de pâtes de fruits. On a appelé cela “surplus rituel”. J’ai été bien aidé par des aumoniers catholiques, un père blanc et un jésuite. Petit à petit, les Allemands ont déporté tout le monde. 7000 personnes, progressivement. J’ai été dénoncé, à la fois à la police française, à la Milice et à la Gestapo. Ma photo était affichée en gare de Toulouse. Je suis alors parti au maquis à Vabre, au groupe de Lacado. »
  • Léon Neugewurtz : « Au petit matin, après avoir grenadé la locomotive en compagnie de Bernsohn et de Bergman, j’étais retourné auprès du commandant Hugues, de Gamzon et Beuve-Méry. Ils avaient besoin d’un interprète, c’était moi. Après, j’ai voulu exprimer quelque chose, dire que nous étions des soldats, pas des sous-hommes. Je me suis avancé vers un allemand, je lui ai dit : “Ich bin Jude…”, je suis juif ! Il a crié : “Nein, unmöglich !”, non impossible ! Les autres ont entendu, j’ai fait tout le train, annonçant la bonne nouvelle : “Je suis juif”, ça a été la panique… Les Allemands se sont dits : “Ces juifs vont nous couper en morceaux !” Beuve-Méry a raconté cette histoire dans un article du Monde. Sa seule erreur, c’est de dire que j’étais un élève-rabbin alors que j’étais seulement aumônier ! L’article de Beuve-Méry se trouve à Jérusalem, au mémorial de Yad Vashem. »

Sources : Amicale des maquis de Vabre, Ordre de la Libération, Service historique de la Défense, livre « De l’étoile jaune à la Résistance armée », Musée de la résistance en ligne.